De nouvelles fuites de documents confidentiel au Vatican sont une nouvelle preuve de la nécessité de réorganiser la Curie romaine, la 1ère mission pour laquelle les cardinaux ont élu le Pape François après les blocages rencontrés par Benoit XVI.
Proposons humblement quelques pistes d'analyse du processus en cours de conduite du changement au Vatican.
1. La réforme de la Curie dépasse le "compliqué" et relève essentiellement du "complexe"
En conduite du changement, il faut distinguer le "
compliqué" et le "
complexe". Le "compliqué" peut se résoudre, au moins en partie, par l'analyse et la technique. Le "complexe", parce qu'il intègre une bonne part d'humain, se transforme, comme disent les émules du coaching, par "la mobilisation de l'intelligence collective par la construction d'une vision partagée".
Vincent Lenhardt distingue 6 niveaux de construction de la vision :
- La vocation (la raison d'être)
- L'ambition (le défi) - horizon 5 à 20 ans.
- Les valeurs (organisationnelles, culturelles, éthiques...) - horizon environ 10 ans
- Les principes de management - horizon environ 5 ans
- Les priorités stratégiques (choix d'allocation des ressources dans le temps) - horion 1 à 2 ans.
- Les plans d'actions
La conduite du changement doit permettre de nourrir chacun de ces 6 niveaux logiques, puis de mettre en cohérence leur contenu respectif.
Si la réforme de la Curie ne relevait que du "compliqué", l'existence probable dans les coffres du Vatican de programmes d'actions, de projets d'organigramme, de propositions de réforme concocté par la concentration d'intelligences réunies dans cette institution suffirait à comprendre que les solutions technocratiques ne suffiront jamais.
On devine bien que le Vatican n'a pas de problème pour nourrir les 2 premiers niveaux (vocation, ambition), qu'il peut intégrer dans le niveau 3 quelques valeurs positives du monde actuel (écoute plus attentive des fidèles, place des femmes dans l’Église, respects des différentes cultures...) en les alignant mieux sur la vocation et l'ambition.
En revanche, la réforme de la Curie porte essentiellement sur les 3 derniers niveaux (principes de management, priorités stratégiques, plans d'actions) dont l'enjeu est de les aligner avec les 3 niveaux précédent.
2. Le Pape dispose de l'Autorité et de la légitimité indispensables pour mener le changement
Il y a quelques années, le responsable d'un important groupe français a demandé à un associé de mon cabinet :
"
Mais quelle est l'organisation idéale ?"
Celui-ci répondit : "
L'Eglise Catholique, avec seulement 3 niveaux hiérarchiques : le Pape, les évêques, les curés !"
Cette
réponse dépasse le simple mot d'esprit. L'autorité ne se partage pas,
elle n'empêche pas de consulter, mais lorsqu'elle est légitime et bien
assumée, constitue un préalable indispensable à la prise de décision.
"Le Roy en son Conseil", comme on disait au XVIIème siècle, écoute,
oriente, tranche dans le respect des coutumes fondamentales du Royaume.
C'est bien comme cela que travaille le Pape François, comme par exemple pour le récent Synode sur la Famille : deux sessions, des propositions remises au Pape qui tranchera en mars prochain probablement en publiant une Encyclique.
3. Comme tous les grands réformateurs, le Pape François a déjà posé des actes pour diffuser le changement à tous les niveaux.
Les grands politiques le savent bien : c'est par de petits actes, qui peuvent apparaître symboliques, que l'on marque le mieux que les choses vont commencer à changer. Au même titre que mon ostéopathe, pour me guérir d'un grave blocage du dos, au lieu de préconiser des infiltrations douloureuses, a simplement fait craquer deux points sur mon épaule gauche et ma jambe droite, posé quelques aiguilles d’acupuncture avant de me laisser repartir en bien meilleur état.
Le jour de sa désignation, en demandant aux fidèles massés place Saint-Pierre de prier pour lui dès le début de sa première allocution, puis en décidant de remonter dans le bus avec les Cardinaux se loger avec eux Villa Sainte Marthe, en poursuivant par son discours dit "
des 15 maladies" de Noël 2014 aux cardinaux, le Pape a posé plus que des actes purement symboliques. Il affirme fermement que le changement a commencé, et que chacun se devait de modifier son comportement et recentrer ses actions. Approche bien plus efficace qu'une réforme technique de la Gouvernance, comme on dit aujourd'hui.
Nous verrons bien ce qui se passera dans les prochains mois.
Mais d’ors et déjà, les fidèles peuvent rester optimistes : la conduite du changement au Vatican est en bonne voie, car le Pape François, autorité incontestablement légitime, se montre capable de poser des actes pour traiter le "complexe" de l'organisation vaticane, actes qui faciliteront la mise en œuvre de solutions techniques.
Benoît DUCHANGE (novembre 2015)